vendredi 14 septembre 2012

Proposition R&R "De la Rénovation à l'Innovation" pour le Congrès de Toulouse 2012


                                            De la rénovation à l’innovation


Le prochain congrès du Parti socialiste va se tenir dans un contexte doublement inédit : celui d’une crise économique sans précédent depuis 90 ans ; celui d’une hégémonie institutionnelle complète, du centre à la périphérie.
Ce contexte fait que l’enjeu de  ce congrès ne sera plus celui de l’opposition devenue classique entre gauche de gouvernement et gauche radicale. Il appelle des réponses sur le changement de nature de l’action politique, la déstabilisation de l’Etat, le déclassement de l’action publique comme des individus, la marchandisation des ressources collectives et naturelles.
Les signataires de cette contribution ont particulièrement œuvré à la rénovation du parti durant ces trois dernières années, accompagnant le travail du secrétariat national du même nom dirigé par Arnaud Montebourg. Nous avons observé combien il a fallu d’efforts et parfois de volontarisme pour instaurer les Primaires citoyennes mais aussi le non-cumul des mandats, la parité, la diversité, le renouvellement générationnel, la démocratie interne et des règles d’éthique. Ces efforts n’ont pas tous encore abouti bien qu’ils aient fait par deux fois l’objet d’un vote massif : le 2 octobre 2009 (auquel 90.310 militants ont participé à la consultation donnant mandat au Bureau national pour proposer des mesures rénovatrices) et le 3 juillet 2010 (où une convention nationale a ratifié ces mesures à une exceptionnelle majorité). C’est en nous appuyant sur cette entreprise et ses résultats  que nous nous situons et proposons cette contribution. Elle veut aller plus loin dans une démarche d’innovation politique qui voudrait donner envie d’anticiper le futur en renforçant les liens qui se sont noués au cours de la dernière période électorale entre les citoyens et le Parti socialiste.

1 – La transformation des partis en général, socialistes en particulier.

Nous sommes à un moment où le vieux chasse encore le neuf. La forme même du parti politique, inventée au XIX° siècle semble incontournable. Les cycles de transformation de la social-démocratie en Europe et du Parti socialiste en France semblent leur garantir une reproduction à l’aveugle. La conquête électorale d’une majorité absolue dans toutes les institutions de la République redouble la question avec la transformation de fait du PS en parti dominant. Nous sommes aujourd’hui devant un choix : ou le parti se replie sur lui-même, laissant le gouvernement seul face aux citoyens ; ou bien il s’ouvre en devenant une boite à idées, un relais indispensable entre l’action de la majorité et le peuple.


1.1 La mise en question de la forme « parti ».

Le parti politique tel que nous le connaissons est né, il y a à peine plus d’un siècle. C’est une des formes historiques de l’entreprise politique : un lieu de représentations, de productions idéologiques et programmatiques, de sélection du personnel politique. Il est donc un espace de compétition interne où se sont toujours affrontés des courants dont les animateurs prétendent à sa direction. Sa structuration est allée en se renforçant au gré des conquêtes du suffrage universel et de la professionnalisation politique. Si bien qu’aujourd’hui les partis en général sont devenus des agences semi-étatiques, confortées par leur financement légal devenu majeur. Ils sont des courtiers entre les différents pouvoirs qu’ils occupent et les citoyens dont ils sollicitent épisodiquement le soutien. Leurs ressources militantes sont d’autant plus importantes qu’elles sont devenues rares. Ce modèle formel a été peaufiné par la Gauche dans la mesure où elle représentait les démunis et avait besoin de la meilleure organisation possible pour assurer la défense et la promotion de leurs intérêts.
Cette forme est aujourd’hui mise en cause par les transformations survenues dans la société de la troisième révolution technologique-industrielle. La généralisation et la socialisation des foyers et modes d’accès aux savoirs et connaissances élèvent le niveau culturel moyen de la société. Celle-ci s’organise de plus en plus en réseaux  où circule l’information et où s’échangent des volontés de manière inédite. Cela n’a pas produit pour l’instant de modèle alternatif d’organisation horizontale (pour mémoire, voir l’échec de l’idée de coopérative politique lancée par Europe Ecologie en 2010) ; un  modèle qui correspondrait mieux à un mode post-moderne d’engagement favorisant les prises de position individuelles généralisées. La démocratie (pas seulement parlementaire) exige l’existence d’ « un espace partagé de valeurs et de principes sous contrôle collectif » comme le disait déjà A. Arendt. La question du rapport entre Parti, mouvement social et innovateurs du quotidien dans la société civile n’est donc pas devenue obsolète quel que soit le retour en force de l’individu contemporain. Ce qu’écrivait Marx reste d’une parfaite actualité: « il faut œuvrer à une société où le libre épanouissement de chacun est la condition du libre épanouissement de tous ».
Mais le prototype du parti légitime, celui d’une avant-garde éclairée, issue à la fois de la philosophie des Lumières et des Révolutions française et russe, est fini. Dans ce printemps des peuples initié ces derniers temps par le monde arabe, la production d’une offre politique systémique par les partis ne suffit plus.  Les partis politiques continuent sans doute à révéler des clivages fondamentaux, construits dans des histoires nationales. Mais les réservoirs d’expertises, de pratiques, de mémoires qu’ils étaient ne parviennent plus à rendre  compte de la société, de sa complexité et de ses ressources. La social-démocratie et le socialisme sont, plus que les autres formations frappés par cette obsolescence. Pour y répondre, nous devrons résoudre le problème de la définition du Socialisme du XXI° Siècle et des formes d’action politique correspondantes.

1.2 Les transformations du socialisme.

    Durant un siècle et demi la social-démocratie a appris à se transformer dans les grandes crises sociales. Elle a réussi à combiner la dynamique démocratique (du suffrage universel à l’exercice du pouvoir) et l’expansion du salariat. Cette capacité d’adaptation semble avoir atteint une limite historique face à la modernisation des droites européennes, française en particulier. L’extrêmisation de celle-ci n’est pas que le produit accidentel du sarkozysme. Elle est le fruit d’une reconstruction complète qui répond à des changements structurels: la globalisation et la financiarisation de l’économie qui ont diminué le pouvoir des Etats-nations; l’expansion des sociétés d’abondance et de consommation qui  a mis en crise les capacités budgétaires de l’Etat-providence avant même la crise de 2008; la segmentation du salariat et les progrès de l’individualisme qui ont diminué les capacités d’action des travailleurs et la portée des négociations collectives ;  la marchandisation du « bonheur privé » se substituant aux « passions publiques ». La disparition de la « menace communiste », pas seulement militaire mais aussi idéologique et politique a rendu secondaire aux yeux des classes dirigeantes, l’obligation de sacrifier du profit au compromis social. Les sociaux-démocrates  se sont adaptés mollement à ces changements  en suivant le plus souvent le tournant néo-libéral si ce n’est en l’initiant (voir le « consensus de Paris » en 1983 et sa justification par Pascal Lamy : « lorsqu’il s’agit de libéraliser, il n’y a plus de droite en France. La gauche devait le faire, parce que ce n’est pas la droite qui l’aurait fait »). Les effets sur nos partis ont été considérables :
-       Erosion du soutien ouvrier et populaire compensé par la conquête des nouvelles classes moyennes salariées en particulier du secteur public dont la discipline électorale et la loyauté politique sont flottantes.
-       Effacement du rôle de l’Etat dans la production du bien-être social relayé par une gestion gouvernementale à court terme de ses ressources de plus en plus rares au niveau national.
-       Valorisation de l’économie et de la société de marché par des politiques de privatisation systématique occultée par l’action publique contre la pauvreté et la précarité.
-       Abandon de la primauté de la politique tant dans la mobilisation des forces sociales pour contrôler les forces économiques que dans la démocratisation des institutions représentatives de la société. L’impuissance est devenue patente en ce qui concerne les structures politiques de l’Union européenne.

Aucune des formations socialistes des Etats-membres de celle-ci n’a pu ou su échapper à ce qui apparaît comme une révision historique des fondements de la tradition social-démocrate. Elles ont toutes perdu leurs repères, même ceux qui étaient enracinés dans la culture politique de leur pays, sans en trouver de nouveaux. La « 3° voie » blairiste qui apparaissait comme la principale innovation de la dernière décennie du siècle est l’acte de décès de cette histoire.
       Il importe de « penser » ce bouleversement. Un véritable programme d’études de la Fondation Jean Jaurès doit faire de celle-ci le creuset d’un retour critique sur les dérives du dernier quart de siècle et d’une prospective à moyen et long terme , par exemple : l’expansion de la pauvreté, les politiques d’ajustement structurel, la dévaluation de l’Etat, le destin de la démocratie représentative, la généralisation du contrôle social, la métropolisation des territoires. Leur traitement appellerait une méthodologie du débat qui nous ferait participer à celui que portent des courants de la recherche. Par exemple celui sur l’égalité qui est au cœur de la reconnaissance des injustices à travers celles qui frappent des minorités de tous ordres et qui redoublent l’exploitation du salariat. Ce qui pourrait amener enfin la gauche à traiter autrement le sujet de la solidarité et plus encore de l’immigration, resté sous la férule d’élites qui ont repris le flambeau xénophobe pour nourrir les peurs de déclassement d’une petite-bourgeoisie modeste ; exactement comme dans les années Trente.  Autre exemple de débat innovant, celui mené autour de la notion de « bien commun » lancé par des économistes anglo-saxons (la Prix Nobel Elinor Ostrom), relancé par les ressources de la société  numérique et relayé en France (autour de Toni Negri) par un programme qui veut dépasser l’alternative Marché/Etat, privé/public pour penser le passage du public au commun à partir de la production de nouvelles normes. Cette intégration dans le champ de la recherche en sciences sociales et politique aurait d’autres effets que ceux –méritoires- de l’audition d’experts par le Laboratoire des Idées. Il nous rendrait actifs dans le débat intellectuel. La Fondation Jean Jaurès deviendrait ainsi un outil à la disposition de l’ensemble des sensibilités du parti et de tous les militants.

Ce « retour sur soi » est d’autant plus important que la France est au paradoxalement au centre des recompositions politiques à l’œuvre sur tout le continent.  Elle se distingue du reste de l’Europe par le fait d’être « une démocratie avancée à la sécularisation précoce », très politisée à une échelle de masse. Or le parti socialiste français est depuis longtemps le parti le moins nombreux (stagnant depuis des années autour de 100.000 adhérents), le moins ouvrier (coupé des syndicats), le moins populaire d’Europe, largement dominé par ses élus. Cette caractéristique s’est même aggravée dans les dernières décennies : ce sont les couches moyennes salariées plutôt privilégiées, bien éduquées et bien protégées qui y dominent aujourd’hui amplement. La sympathie confirmée parmi les nouvelles couches moyennes ne se traduit pas pour autant par un enracinement électoral. D’abord parce que les comportements électoraux de ces couches sont ici comme ailleurs profondément versatiles; ensuite parce que l’insertion du PS dans le réseau associatif reste lâche et inorganisée ; enfin parce que la présidentialisation et la professionnalisation du PS atteint des niveaux inégalés ailleurs.  Deux raisons structurelles expliquent cette dernière spécificité: le cumul des mandats dont la pratique est le mode privilégié d’une carrière politique socialiste ; l’assimilation complète du présidentialisme de la V° République qui est devenu l’horizon du parti qui le reproduit parfois jusque dans les collectivités territoriales. Comment s’étonner que ce parti ait régulièrement démontré son incapacité à savoir accueillir et conserver ses sympathisants (les adhérents à 20 € de 2007) ?
Des rénovations successives lui ont pourtant permis de surmonter ces handicaps. Ce fut vrai de celle ouverte par la prise en compte du maximalisme révolutionnaire anarcho-syndicaliste de la Charte d’Amiens en 1906 ; puis de celle provoquée par la révolution Russe et la scission communiste au congrès de Tours en 1920 ; puis de la reconstruction dans la Résistance ; enfin de la réforme du congrès d’Epinay en 1971.
Le cycle ouvert en 2009, conforté par la réussite des Primaires en 2011 doit donc se poursuivre et s’approfondir pour faire naître du neuf et du durable comme autant de réponses aux défis lancés par le changement social et culturel.  Cela n’est pas acquis dans la mesure où non seulement nous exerçons les responsabilités gouvernementales mais où nous contrôlons aussi la quasi-totalité des pouvoirs.
Le Parti socialiste tend à incarner le type même du « parti dominant » c’est-à-dire d’une organisation  dont la présence au pouvoir est garantie comme pérenne (grâce aux institutions de la V° République)  même si son socle électoral est restreint (au deuxième tour des législatives 53,6% des Français en âge de voter n’ont pas participé au vote) et son soutien social fragile (les 314 députés de gauche et les 285 du PS n’ont été élus par 16% des électeurs inscrits). « Dominant », cela veut dire aussi que le parti est comptable d’un multipartisme bipolaire lui donnant des responsabilités particulières vis-à-vis des autres formations de gauche sans exception. Pour ne pas se laisser enivrer par une « volonté de puissance » qui pourrait lui être fatale, il doit travailler à la perspective d’une Confédération de la Gauche ouverte aux partis et aux grandes sociétés d’action et d’éducation populaire. L’idée est venue chez nos partenaires que les prochaines Primaires présidentielles pourraient être en 2017, ouvertes comme  nous les avions pensées pour 2011. Dans le respect des différences organisationnelles et de leur expression sur la scène parlementaire, nous devons donc créer les conditions d’une convergence susceptible d’instaurer enfin un climat de confiance sans lequel les divisions de la Gauche resteront une épée de Damoclès sur la tête de ses électeurs.
Le PS doit donc être ici et maintenant une sorte de « ministère de la société et du peuple » en usant du droit d’interpellation dans son soutien au gouvernement et au président. Il n’est pas interdit d’imaginer comment.

2      - Le parti, ministère de la société

L’inventaire des années Mitterrand (1981-1995) et Jospin (1997-2002), celui où le parti exerça en tout ou partie le pouvoir d’Etat n’a été que très imparfaitement dressé au cours des congrès successifs. Sans qu’il soit besoin ni possible de le faire ici, il importe, pour les raisons de fond ci-dessus exposées, de préciser quelles doivent être nos exigences pour améliorer la démocratie tant pour et avec les militants que les citoyens. Sous le Front Populaire, le Parti communiste avait préféré « le ministère des masses » à l’exercice des responsabilités gouvernementales. Ce choix d’une opposition de principe spéculant sur un échec de la Gauche de gouvernement tente visiblement aujourd’hui encore ses héritiers. Il est donc essentiel de faire la démonstration qu’un parti, le nôtre, peut innover sur ce terrain aussi  en étant ce « ministère de la société » vis-à-vis du gouvernement.

2.1 La démocratie militante.

Elle doit progresser en tenant compte du poids spécifique des élus de tous ordres dans le fonctionnement du parti. Ce poids est un véritable capital. Mais le parti socialiste hérite d’une tradition séculaire -celle de la SFIO- d’extrême décentralisation. Il s’est installé sans réflexion sur lui-même dans ce système après l’entrée en vigueur des lois de décentralisation, croyant pouvoir gérer à la fois les nouveaux territoires et conserver ou gagner le pouvoir d’Etat. La force nouvelle des pouvoirs locaux a redoublé l’enjeu du vivier des 500.000 élus. Ce vivier est une chance inconnue ailleurs en Europe : fait d’une écrasante majorité de quasi bénévoles (au vu des responsabilités qu’ils assument), il est un réservoir d’expérimentations et d’inventions que le parti ne coordonne et ne valorise pas suffisamment. Du coup, la puissance de quelques-uns s’est plus en plus autonomisée au gré d’une expansion du cumul des mandats.  L’extrême nationalisation du pouvoir actuel, sa concentration et sa présidentialisation, ont rendu le système fédéraliste socialiste inadéquat. Le parti est ainsi passé, surtout après 2002, sous la coupe de quelques Fédérations. Les intérêts territoriaux exprimés par la voix de quelques grands élus qui contrôlent plusieurs milliers de cartes sont devenus un facteur de fracturation du parti par les courants, des courants eux-mêmes, et affaiblissent la démocratie interne comme l'autorité politique de la direction, en la prenant en permanence en otage.
      La division du parti en multiples courants, agrégats d'intérêts territoriaux ou d'écuries, sans grande consistance idéologique, est l'autre cause de destruction lente du parti et de son centre. Reconstruire une autorité et redonner une légitimité politique à la direction comme au militantisme demande donc de diminuer à la fois l'influence des courants et des féodalités dans le parti. Et pour augmenter la force de résistance de la direction aux intérêts locaux, il est nécessaire de diminuer la part de divisions que porte l'organisation excessive de notre parti en courants.
      Cela passe par une majorité politique large et claire, et une reforme profonde de l'organisation de nos congrès. La cohabitation actuelle du système de la proportionnelle (vote sur les motions et représentation dans les instances) et du système majoritaire pour les dirigeants traduisait l'impensé institutionnel du système partisan socialiste. Les militants avaient donc donné mandat le  2 octobre 2009 pour le réformer. La convention du 3 juillet 2010 l’a assuré en changeant les modalités de vote sur les motions et en fusionnant celui-ci avec le choix du/de la Premier(e) secrétaire ; mais aussi en allégeant les instances nationales (BN, SN, CN) et en modifiant le calendrier des congrès. La mise en place d’une Haute Autorité indépendante de la direction, chargée de faire respecter par tout(e) socialiste les règles d’éthique et de droit va dans le même sens. Il faut donc veiller maintenant à ce que ces nouvelles règles passent bien dans les statuts du parti dans le respect des formes en vigueur. On devra aussi aménager leur application surtout à l’échelon local ;  par exemple favoriser les échanges entre secrétaires de section et secrétaires fédéraux au-delà du Conseil fédéral, trop souvent réduit à l’état d’assemblée  croupion.
    Pareillement, les dispositions votées sur la parité, la diversité et le cumul des mandats appellent une vigilance particulière. Pour ce qui est de la parité, les dernières élections législatives ont été l’occasion d’une avancée : 49% des candidats socialistes étaient des femmes ; 37% d’entre elles furent élues et le pourcentage de femmes députés à l’Assemblée Nationale est passé de 18 à 26% (155 députées). C’est un indéniable progrès mais insuffisant. On ira plus loin en limitant le cumul des mandats dans le temps et en abrogeant la règle coutumière selon laquelle tout sortant a un droit acquis à se représenter.
    Quant à la diversité, elle doit s’entendre globalement tant pour les minorités issues de l’immigration ou de l’Outre-mer que des classes populaires. Ni les unes ni les autres ne sont équitablement représentées dans les assemblées de la République et de ses collectivités territoriales. Pour y parvenir il faut mener une politique volontariste. Cette politique doit être celle d’une sélection d’ « élites » recrutées à l’encontre des processus sociaux extérieurs et antérieurs ; elle doit être assumée par la direction nationale Elle peut s’amorcer avec la mise ne place d’une « grande école » de formation de ces candidats qui puissent ainsi rivaliser en compétence avec les candidats ou élus réputés expérimentés, souvent du seul fait de leur capital social. On peut imaginer aussi impliquer  des militants dans la vie du parti en sélectionnant une trentaine de délégués nationaux sélectionnés sur la base de leurs parcours, activités et origines de tous ordres et qui seraient associés à l’exercice de responsabilités organisationnelles.
     Reste à accomplir aussi un renouvellement générationnel. L’âge moyen de la nouvelle Assemblée est resté le même que dans la précédente : 54 ans, moyenne qui vaut  aussi pour le PS. Les sortants sont restés majoritaires : 146 socialistes contre 133 nouveaux. Il faudra donc accorder un soin particulier aux investitures à toutes les élections à venir quel que soit le mode de scrutin et le niveau territorial. Trop souvent sont désignés des candidats issus des sections ou des fédérations  les plus nombreuses, ou des courants dominants. Trop souvent c’est la cooptation qui l’emporte quand les militants ne sont pas privés purement et simplement du droit de choisir leur candidat(e). Le risque est grand, puisque nous dirigeons la quasi-totalité des Régions et la majorité des Départements comme des villes de plus de 30.000 habitants que soient reconduits en 2014 ou 15 la majorité des sortants. Le renouvellement de notre vivier d’élus demande que nous appliquions la règle fixée par le parti, de trois mandats successifs maximum comme limite à toute candidature. Nous pensons que deux mandats seraient mieux indiqués : cette mesure permettrait une rotation des responsabilités locales et nationales, l’expérience des unes enrichissant celle des autres, la « carrière » d’un élu pouvant ainsi se dérouler sur une moyenne de 20 ans.
Cette exigence rejoint celle de l’application  stricte du non-cumul de mandats à partir de ce qu’a voté la Convention du 3 juillet 2010 à savoir : «  Le nombre de présidences d’exécutif successif est limité à trois (soit 18 ans). Cette règle, qui concerne les Président-es de Conseil Régional, Président-es de Conseil Général, Président-es d’Etablissement Public de Coopération Intercommunale, les Maires sera inscrite dans nos statuts.(…) , il sera possible pour un-e parlementaire, ayant déjà effectué plus de trois mandats d’exécutif local successifs, ne se représentant pas aux élections sénatoriales de septembre 2011 ou aux élections législatives de juin 2012, d’exercer un dernier mandat d’exécutif local lors du renouvellement de mars 2014. Dans le même état d’esprit, les dispositions sur la limitation des mandats successifs pour les Président- es d’Exécutifs non parlementaires s’appliqueront à compter du renouvellement de mars 2014. » Toute exception à ces dispositions devra être déférée immédiatement à la direction nationale étant entendu que la loi sur le non-cumul devrait être votée avant la fin de l’année en reprenant ces restrictions. Il faudra être vigilant ; le vote d’un amendement parisien exemptant les maires d’arrondissement de l’application de ces règles nous le rappelle. Les statistiques dont nous disposons sont accablantes : après les dernières élections sénatoriales et législatives, elles confirment que 83% des élus cumulent leur mandat législatif avec celui d’un exécutif local. Ils ne sont que 15% en Allemagne ou en Italie et encore moins ailleurs. Dans l’Assemblée Nationale élue en juin, 439 députés sur 577 sont en situation de cumul, allant parfois jusqu’à quatre mandats au total (33 d’entre eux dont quinze socialistes). En moyenne chaque député possède deux mandats, surtout celui de maire mais aussi douze présidents de Conseils Généraux et quatre de Conseils Régionaux. 79% des élus socialistes cumulent. Tous nos candidats aux élections législatives ont signé un engagement à abandonner leurs mandats exécutifs locaux avant le 1° octobre 2012. C’est le moment d’en vérifier l’application pour que les élus concernés puissent organiser leur succession ainsi que cela a été voté par les militants le 3 juillet 2010. François Hollande s’y est engagé durant la campagne « dès le lendemain de notre victoire de 2012 pour application en 2014. » Nous y sommes donc et aucun délai ne saurait être admis : c’est bien avant la fin de cette année-ci que le non-cumul doit s’appliquer à tous ; d’abord pour respecter le vote massif et par deux fois des militants. Ensuite parce que le cumul est un virus qui ronge le grand corps malade de la politique. Il a au moins quatre inconvénients :
-       le cumul concourt à l'oligarchisation du système démocratique: il limite le nombre des leaders politiques, ralentit leur rotation dans le temps, fige leur circulation  sociale du fait de la faiblesse du renouvellement. Il entretient la concentration sociale du pouvoir : bien qu'il y ait en France environ 500.000 élus (du conseiller municipal au parlementaire), soit un Français sur cent (dix fois plus qu’en Grande-Bretagne par exemple) un demi-millier contrôle le marché. Le conservatisme de ce système joue dans tous les sens: il marginalise les carrières uniquement locales; il délégitime les carrières seulement législatives; il restreint l'accès des femmes au mandat représentatif (les femmes cumulent considérablement moins que les hommes).
-        le cumul conduit à une représentation inégalitaire du territoire. 800 maires environ disposent d'un capital relationnel privilégié grâce au cumul. Leurs circonscriptions sont dès lors privilégiées dans l'allocation de subventions et de moyens divers. La localisation d'équipements, la déconcentration de services publics ou administratifs, le tracé d'infrastructures sont concernés. La facilité d'accès à l'administration et aux ministères qui va avec le cumul est l'instrument de cet aménagement inégal de l'espace de la République. Le cumul des mandats est ainsi à la base de conflits d'intérêts non maîtrisés qui affectent la croyance des citoyens dans l'objectivité de l'Etat et l'universalité de l'action publique.
-       le cumul favorise la technicisation de la vie politique locale.  Du seul fait que l'élu qui le pratique doive assumer  des responsabilités toujours plus étendues par les lois de décentralisation, que ces responsabilités s'exercent dans un contexte toujours plus complexe et contrôlé, exige un temps et un savoir-faire qui sont rarement assumables en dehors d'équipes de conseils, d'experts, de collaborateurs. La non collégialité politique des exécutifs locaux est ainsi relayée par le déploiement de véritables technostructures dans les collectivités locales. En dépit du discours sur « la proximité », les citoyens sont toujours plus éloignés de la participation aux responsabilités locales.
-       le cumul dépolitise la volonté générale. La transformation des exécutifs locaux, la professionnalisation sauvage des carrières électives (vu l'absence d'un véritable statut de l'élu) vide de sens la démocratie délibérative plus encore qu'au niveau national. Les assemblées locales ont tendance à devenir des conseils d'administration qui entérinent les décisions prises par des exécutifs qui sont à la fois le gouvernement et la présidence de l'assemblée. En retour, l’effet négatif du cumul  à l'échelon national est bien connu: il est la cause d'un absentéisme parlementaire record en comparaison avec les systèmes voisins (les députés cumulards sont jusqu’à 50% moins présents à l’Assemblée que leurs collègues qui ont un unique mandat). Le temps requis par l'exercice des mandats cumulés  empêche le parlementaire de siéger en commission comme en séance plénière, bref à accomplir sa double mission de législateur et de contrôle du gouvernement.

Voilà pourquoi cette question du cumul est de principe. Elle est emblématique d’une volonté de rénovation durable du parti et de la politique en général. S’il s’avère qu’il n’y a pas de majorité au Parlement pour légiférer, il faut la soumettre à référendum. Si le Sénat pose problème car il voudrait représenter mieux les territoires, il faut le réformer en ce sens, en particulier en démocratisant le mode d’élection des sénateurs. Et sans attendre, les socialistes cumulards doivent abandonner leurs indemnités locales ; ce qui ferait économiser 12 millions d’Euros à l’Etat et prouverait à l’opinion qu’on ne cumule pas pour des raisons financières. Cela encouragerait la définition d’un véritable statut de l’élu, prenant en compte les questions spécifiques des salariés du privé et assurant une sécurité de déroulement de carrière professionnelle à tous. Oui, il faut tendre vers le mandat unique. Et c’est pourquoi il faut appliquer intégralement le texte voté par la Convention du 3 juillet 2010, ce que le congrès rappellera.


       Enfin, il faut revenir à la fonction émancipatrice du parti. Le mouvement ouvrier a, tout au long de son histoire assuré une mission d’émancipation des individus. Tant les syndicats que les partis politiques ont su prendre à leur compte l’éducation populaire des masses au sens le plus noble du terme. Longtemps assumée, y compris par le Parti Communiste Français, cette mission s’est aujourd’hui perdue, remplacée par un système de production de cadres politiques à la formation aléatoire et improbable. Alors qu’aujourd’hui se pose la question du retour du politique dans une France périphérique votant volontiers contre ses propres intérêts pour l’extrême droite, le parti socialiste, s’il veut retrouver cet électorat, ne peut plus se passer d’une réflexion sur ses moyens d’action politique. Combien de fois, au cours de nos campagnes électorales avons-nous rencontré des citoyens totalement dépolitisés, ne sachant même pas ce qu’est un député ? Combien de fois avons-nous rencontré ces individus à qui le système n’a pas su ou pas voulu donner les clés pour qu’ils puissent se saisir des enjeux politiques ? L’une des conditions essentielles de la victoire de François Hollande à l’élection présidentielle fut l’organisation d’un « retour au peuple ». Par le porte-à-porte, par les « stand up » et les meetings en plein air, par les moyens offerts par les nouvelles technologies, nous avons permis aux citoyens de se saisir en toute conscience du choix politique qui leur incombait. Alors que la Gauche dirige la France, cette direction doit être poursuivie sans relâche. Cela passera nécessairement par un retour à une politique ambitieuse de formation interne de cadres politiques intermédiaires au sein de notre parti ; des cadres capables à leur tour d’organiser dans les territoires désertés par le politique des actions d’éducation populaire. Ils seront ainsi les agents actifs du retour de notre famille politique au milieu de ceux qui constituent le cœur de cible de son action : les classes populaires, défavorisées, fragilisées par la mondialisation et de fait exclu de la vie démocratique de notre pays. Sans ce retour aux sources de la fonction émancipatrice de l’action politique de la Gauche, le risque est important que ces populations se détournent de nouveau et pour longtemps du parti socialiste.
        Dans ce cadre, il nous faut faciliter l’adhésion au parti. L'adhésion est un acte difficile, coûteux financièrement et en temps. Le principe de sa proportionnalité avec les revenus du militant est de moins en moins respecté. Les Fédérations fixent souvent des bases prohibitives.
Le « prix » de la cotisation est un des obstacles à l'adhésion. La réduction de son montant est un impératif, en fonction du degré d'implication des militants. Accepter et organiser différentes formes d'adhésions dans le parti doit donc être mis à l'ordre du jour. Doit-on exiger les mêmes efforts d'un élu ou d'un aspirant aux fonctions électives, que d'un militant qui vote et participe à la vie du parti, ou d'un adhérent de passage qui vient épisodiquement participer à la vie du parti  ? L'adhésion peut être partielle, thématique, conjoncturelle. Nous devons organiser la différenciation des modes d'adhésions en fonction de la  fragmentation des espaces. Si l'objectif est d'attirer de nouvelles formes de militance, il faut les organiser en notre sein avec des degrés différents d'implication, et un droit d'entrée différent selon celle-ci. Un parti qui s'ouvre est un parti qui fait confiance à ses adhérents en les responsabilisant. C'est un parti dans lequel chaque militant peut librement débattre avec son prochain sans devoir demander l'autorisation à l'appareil local et national. Le site Internet du parti doit devenir le lieu de la discussion horizontale et autonome entre chacun de ses militants et cadres, en dehors des instructions verticales qui tombent du national et de la fédération. Voilà pourquoi le parti lui-même doit investir pour lui-même les réseaux sociaux numériques et y construire des formes nouvelles de discussion interne, de mobilisation sur des événements politiques, sociaux et sociétaux. Le PS doit tisser sa toile sur la toile, non pas seulement pour y diffuser nos idées mais surtout pour alimenter un mouvement de vie intérieure qui ne peut que diffuser a l'extérieur.


Cette rigueur mise dans la rénovation continue du parti se justifie par la volonté de rendre sa dignité morale au socialisme.  Elle serait bancale si elle n’allait pas avec des innovations requises par l’expansion de la démocratie dans la société.


2.2 La démocratie délibérative.

   L’autre grande question à laquelle le parti doit répondre est celle de son rapport à la société. Il n’est pas besoin de revenir sur ce qui a été déjà dit : l’extrême minorisation de ses effectifs par rapport à ses électeurs, sa coupure avec la société civile, la confiscation excessive de la représentation par des élus devenus des professionnels de la politique.  C’est dans ce contexte que la moindre mesure rénovatrice peut entraîner de vastes conséquences positives ; le recours aux Primaires pour les présidentielles en est l’illustration éloquente. Mais il faut aller plus loin et penser le désir de démocratie continue, coopérative ou participative que l’on nommera plus simplement délibérative.

    Les Primaires ouvertes et populaires sont un cas d’école, surtout quand on a tenu la comptabilité des réserves  et oppositions (ce qu’a fait le Secrétariat à la rénovation) qui se sont exprimées jusqu’à quelques semaines à peine de leur lancement. Les atouts qu’elles donnaient aux militants étaient nombreux dès lors qu’elles étaient de nature à mobiliser les sympathisants de l’ensemble de la gauche : l’arbitrage entre les ambitions légitimes des candidats a réglé en bonne part le problème du leadership politique durant les six mois précédents les élections ; la confiance faite aux citoyens est restée un atout électoral jusqu’au deuxième tour des législatives ; le débat public initié par les candidats a redonné et révélé le goût pour la controverse politique que les médias avaient anesthésiée. Au bout du compte, ces Primaires ont bien donné un nouveau droit aux citoyens : celui de pouvoir choisir leur candidat à une élection dont les effets pervers sont considérables. Typiques d’un régime bonapartiste que ne se résume pas à celle-ci, elles se sont imposées comme un appel à la société (800.000 électeurs ont donné leurs coordonnées au parti) dans un système qui oscille entre plébiscite et bipartisme contraint et forcé.
    Il faut poursuivre ce combat à deux niveaux national et local: d’abord celui de la refondation de la République. Les déséquilibres et abus de pouvoirs qu’encourage le présidentialisme de l’actuelle Constitution ne se règleront pas par la bonne volonté des hommes et des femmes appelés à gouverner et diriger le pays. François Hollande a énoncé durant sa campagne (notamment dans son discours de Dijon le 3 mars 2012) une douzaine de propositions susceptibles d’enrayer le processus de concentration et centralisation du pouvoir par la Présidence. Il est essentiel que la majorité parlementaire et le Parti se retrouvent sur ce socle et procèdent sans attendre à une réforme d’ampleur. Faut-il rappeler que Sarkozy a tenu en 2008 ses promesses de vrai-fausse révision constitutionnelle en touchant à la moitié des articles de la Loi fondamentale ? La Gauche au pouvoir a, dans son histoire préféré le grand renoncement à une démocratisation de nos institutions au nom (comme en 2002 pour inverser le calendrier dans le mauvais sens après avoir inventé le quinquennat) d’une fidélité à « l’esprit de la Constitution » ?  (C’est pourtant François Mitterrand qui s’était moqué en 1979 de cette révérence spirituelle : « La lettre, on peut encore la cerner ; l’esprit est moins saisissable. Monsieur Giscard d’Estaing, dans la situation d’une voyante extralucide faisait tourner sa table en interrogeant : Esprit, où es-tu ?). La révision ne doit pas attendre. La liste des réformes annoncées par François Hollande est substantielle: limitation du cumul des mandats, introduction d’une part de proportionnelle dans le mode de scrutin législatif, nouveaux droits parlementaires pour enquêter sur l’action du gouvernement et les « dysfonctionnements » de l’administration, garantie de  l’indépendance de la justice (réforme du Conseil Supérieur de la Magistrature) et des médias, droit de vote des non-nationaux aux élections locales, contrôle des nominations par le Président, inscription dans la Loi fondamentale de dispositions sur la laïcité, de la notion de « démocratie sociale ». l’abrogation du terme de « race », la ratification de la Charte sur les Langues régionales. On peut espérer que viendrait s’ajouter une réforme du Conseil Constitutionnel. Tout n’est pas forcément de l’ordre d’une révision constitutionnelle. Mais l’ensemble peut former, dans le cadre des institutions actuelles le socle d’une transition vers un véritable régime démocratique. Nous gardons la conviction que celui-ci ne sera pas établi tant que la répartition des pouvoirs entre le Président et le Premier ministre ne sera pas redéfinie ainsi que la responsabilité politique de l’un comme de l’autre. En d’autres termes la gauche peut ouvrir la voie à un quinquennat doublement réformiste : d’abord changer la V° République pour mieux changer de République avec le soutien des citoyens. La VI° République serait alors l’autre nom d’une audace démocratique qui serait une des conditions de la confiance populaire retrouvée.

          Mais il y a un deuxième niveau de ce combat, un rez-de-chaussée de cet édifice républicain à reconstruire ; c’est celui des collectivités territoriales. La décentralisation n’a pas tenu ses promesses de rénovation démocratique. Le déséquilibre des pouvoirs y est souvent plus fort qu’ailleurs, en dépit de la rhétorique sur la proximité entre élus et citoyens. Des  terres entières éloignées des grandes villes  sont devenues des places fortes du Front National (on peut imaginer des créations volontaristes de sections avec des sympathisants dans ces territoires délaissés). Nos retrouvailles avec le mouvement social constituent l'une des formes de cette reconquête. Nous devons nous réimplanter dans les mouvements sociaux et sociétaux. Toutes les fédérations doivent organiser l'implication des socialistes dans les mouvements existants sur les territoires afin d'éloigner l'image répandue de la notabilisation du parti.
          Les succès remportés dans les agglomérations ne doivent pas faire oublier que notre électorat y est toujours composite et versatile d’une élection à l’autre. Aux législatives, les milieux populaires et les jeunes s’y sont fortement abstenus. Autrement dit là aussi il faut s’ouvrir à la société et sans délai si l’on veut que les Municipales ne soient l’occasion d’un renforcement de l’extrêmisation de la droite et une sanction pour le Gouvernement. Il faut donc pratiquer les Primaires citoyennes pour choisir le ou la Maire et  entraîner l’électorat de gauche dans la mobilisation municipale. Cette mesure doit aller l’application stricte de la règle du non-cumul dans le temps (trois mandats successifs consécutifs). Dans bien des endroits (les villes de plus de 30.000 habitants et les arrondissements des villes de Paris, Lyon et Marseille) cela règlera des conflits d’ambition, favorisera le renouvellement sociologique et générationnel, encouragera l’extinction du cumul des mandats, rassemblera la gauche dans la formation des listes municipales que les personnes investies auront à construire. Cette mesure doit aller avec le chantier d’une refonte de l’architecture des pouvoirs locaux. L’abrogation de la loi du 16 décembre 2010 ne suffira ni à trouver une cohérence dynamique  des politiques publiques locales ni à lancer un cycle de leur démocratisation. Là aussi le parti doit jouer un rôle de mobilisation dans la société tant il y a d’expériences et de bonnes pratiques accumulées mais trop souvent invisibles. On peut imaginer que des consultations publiques  aient lieu systématiquement sur des avant-projets de loi concernant ces domaines. Ces domaines de la décentralisation, mais d’autres encore intéressent la démocratie délibérative. Enfin il y a lieu de revenir sur l’expression démocratique directe des citoyens ; c’est le problème du référendum d’initiative populaire. La révision constitutionnelle de juillet 2008 a vu les députés introduire (contre l'avis de Sarkozy) une nouvelle procédure suggérée par Balladur sous le nom de "droit d'initiative populaire".  Ce droit est devenu un référendum d'initiative parlementaire dépourvu d'une réelle dimension démocratique directe. Il est réservé au cinquième des parlementaires donc à 185 d'entre eux, autrement dit aux deux principales formations (l'UMP et le PS). Les citoyens ne sont requis qu'à des fins acclamatoires de cette éventuelle initiative (ils ne peuvent pas demander l'abrogation d'une loi); encore faut-il qu'ils se trouvent nombreux pour cela puisqu'ils doivent être 10% du corps électoral, soit environ 4,5 millions. Et il suffit que la proposition de loi soit examinée par le Parlement pour que le référendum ne soit pas organisé. Cette prétendue "avancée démocratique" était donc une mascarade ; elle attend d’ailleurs toujours sa loi organique pour entrer en virtuelle application quatre ans après. C’est donc à nous de reprendre le chantier en rendant possible le référendum abrogatif pour une loi promulguée depuis moins d’un an. Et plus largement nous devons porter la revendication d’un droit d’initiative législative populaire : un nombre déterminé de citoyens (par exemple un million) doit pouvoir obtenir, par voie de pétition, l’inscription d’une proposition de loi à l’ordre du jour du Parlement.
      Un des mérites de la campagne de Ségolène Royal fut de faire émerger le thème de la démocratie participative  dans le débat public alors même que le Parti socialiste n’y avait pas réfléchi.  Ce thème avait pourtant fait l’objet de beaucoup d’expériences depuis son apparition avec le budget participatif de Porto Alegre au Brésil à la fin des années quatre-vingt-dix. Les conférences de consensus, les jurys citoyens, les conférences du débat public, les sondages délibératifs sont autant de dénominations que bien des chercheurs avaient observées jusque dans les citadelles de la "vieille Europe” . Ils mettaient l’accent sur un déplacement essentiel pour la formation d’une légitimité politique : ce n’est pas/plus l’énoncé de la volonté générale mais le processus de formation des volontés qui l’emporte dans la construction de l’opinion. Le processus prévaut sur l’expression de la volonté. L’échange public, contradictoire et argumenté fait ce processus. La rencontre du citoyen ordinaire (tiré au sort) avec l’expert et le responsable politique produit des effets démocratiques spécifiques. L’élection n’est plus la seule source de légitimité dès lors qu’elle n’est souvent qu’une ratification d’une offre politique ou un mode de désignation « sec » des gouvernants. Ce déplacement correspond à un mouvement de fond dont on a déjà fait état, celui de l’apparition d’un citoyen mieux informé, plus éclairé, plus diplômé, plus critique qui met en cause la représentation traditionnelle. Mais ceux des citoyens qui ne le sont pas aussi activement ne sont pas spontanément socialisés dans cette circulation et société de l’information. Le parti a là un rôle culturel et social essentiel à jouer, de charnière entre les deux temps et les deux mondes.

           Le Web 2.0 fait partie intégrante de la nouvelle trame géo-sociologique des territoires. Il constitue un paysage d'information où les citoyens sont des agents interactifs. Le service public doit faire une place pleine à un "Internet public" sanctuarisé où s'épanouissent :
-  l'accès aux informations citoyennes (lisibilité des données publiques ouvertes dont les habitants sont co-propriétaires)
- l'accès à l'expression citoyenne sur les enjeux du national à l'hyper local.
- l'accès égal aux services publics essentiels qui est le fondement de la citoyenneté.
Pour réaliser ce projet trois plateformes nationales animées par un organe tiers pourraient co-exister :
- une plateforme de débat public de la Commission nationale du Débat public (CNDP)  pour les grands projets : avec des règles du jeu communes à l'ensemble des projets, des droits et des devoirs pour chacune des parties prenantes du débat
qui permettent de voir clairement la portée de la parole citoyenne dans le débat. Cette plateforme s'ouvrirait  à une logique de suivi de la politique publique locale sans s'arrêter au seul temps du débat. Elle permettrait d’y constituer une lisibilité de l'évolution du projet au-delà de la décision.
- une plateforme pour l'accès aux services publics essentiels par "monservice public.fr"  : cette plateforme s’ouvrirait largement à tous les services essentiels, pour aboutir rapidement à la généralisation  du « compte citoyen ».
- une plateforme d'accès géolocalisé à l'ensemble des débats locaux sur les grands enjeux de développement de la vie locale mis en discussion par les collectivités territoriales.
Ces plateformes seraient le socle d’un appel national à publier dans une cartographie dynamique les liens vers les débats locaux organisés par les collectivités locales. Ainsi et en partant du principe que les débats locaux ont leur spécificité mais se répètent souvent en différents lieux du territoire sur des thèmes communs (éducation, rénovation urbaine…), il serait possible de donner accès à chaque citoyen où qu'il réside à un débat qui le concerne. Une montée en compétence collective pourrait se faire sur les enjeux techniques et juridiques et sur les contours de l'espace thématique dans lequel le citoyen pourrait être assuré que sa parole sera prise en compte.
Enfin une veille nationale publique sur les grands sujets abordés par les citoyens eux-mêmes sur les réseaux sociaux serait exercée en Web sémantique.
Une alternative à l’omniprésence des sondages d'opinion basés sur des méthodes panélistes de plus en plus discutables serait ainsi créée avec un outil de lecture public des sujets de préoccupation émergents sur le Web. Ces pratiques innovantes iraient avec une pédagogie démocratique permettant de raccorder les secteurs délaissées des populations localisées dans des territoires démunis.

       La démocratie délibérative est donc une innovation qu’il ne faut certes pas idéaliser et isoler mais qui affectera toujours plus toutes les structures politiques, institutions et partis. Il s’agit donc moins de s’y adapter que d’en déduire des règles inédites (par exemple le vote préférentiel pour le choix de candidats à des fonctions de responsabilités) et de les appliquer comme autant d’expérimentations qui permettront de nouer un lien pérenne entre parti et société civile.


Conclusion : Ces perspectives rénovatrices-innovatrices sont un « en-soi » qui peut rallier tous ceux et celles qui sont convaincus que la nature d’un parti est liée à celle des institutions politiques ; et que l’extension de la démocratie passe par la réforme conjointe de l’un et des autres.  Cependant cette démarche ne pourra pas rester coupée des questions d’orientation qui déterminent l’avenir du socialisme au-delà de la gestion gouvernementale. Parmi celles-ci, celles de la construction politique de l’Europe, de l’économie de l’après-crise, de réarmement de la puissance publique, de la pratique du pouvoir nous apparaissent comme majeure. Avec la victoire de François Hollande, la gauche française est entrée dans un nouveau cycle politique. Demain, si les peuples européens décident, c’est la gauche européenne qui pourrait la suivre.


Ce nouveau cycle impose de poursuivre la rénovation de notre parti, rénovation de son mode de fonctionnement qui imposera une nouvelle pratique politique, un nouveau contact avec la société. Nous en avons tracé ici les pistes essentielles. Toutefois, il n’est pas question pour nous de limiter la rénovation à une évolution formelle des pratiques : comme les Primaires l’ont montré avec succès, la mise en place de nouveaux processus conduit inéluctablement à l’émergence de nouvelles solutions politiques, à insuffler dans les partis avec le renouvellement et la créativité nécessaires pour qu’ils restent en phase avec la société.
         Aujourd’hui donc, rénover signifie également penser différemment, penser en dehors du cadre théorique et enfin agir en dehors des cadres hérités des années 80 et 90. D’un point de vue politique, la rénovation nous conduira à évoluer en phase avec une société française qui subit des chocs économiques d’une violence inouïe.
          La gauche va devoir rompre nettement avec la foi aveugle qu’elle a pu avoir dans le cadre de pensée libéral et libre-échangiste qui est devenu le sien depuis 1983, et engager sa mutation culturelle post-libérale. La présente contribution propose donc de poursuivre la rénovation politique suivant trois axes :
De nouveaux rapports entre production et la consommation :
L’une des certitudes dont la gauche au pouvoir va devoir se défaire est la foi dans la concurrence généralisée et la baisse continuelle des prix qui sera toujours moins forte que la désindustrialisation, le chômage et l’érosion des salaires qui l’accompagne. La gauche doit se souvenir qu’elle défend les travailleurs, ceux qui sont salariés, ceux qui produisent. Une société équilibrée et juste est celle où il est possible de produire tout en consommant et de vivre sans nécessairement avoir recours à des niveaux d’endettement qui construisent inéluctablement de nouvelles formes d’aliénation et d’esclavage. Il est nécessaire de défendre la production, le producteur face au consommateur, l’usine et la fabrique face au supermarché, l’ingénieur face au financier, la PME attachée au territoire qu’elle contribue à structurer contre le grand groupe international qui délocalisera sa production pour une virgule dans un calcul financier au niveau mondial.
Les socialistes doivent défendre la production contre la culture du « low-cost ». Si l’on consomme des produits de consommation courante qui sont importés et jetables, impossible de s’étonner que les salariés soient mal payés et les usines délocalisables : un produit à bas coût cache toujours un bas salaire mais le consommateur, aveuglé souvent par les illusions du marketing et de la publicité devenue omniprésents dans nos vies, l’oublie souvent.

2° De nécessaires mécanismes de protection :
Comment les socialistes peuvent-ils défendre la production ? Renouer avec une vision équilibrée de la société dans laquelle la production et la consommation, le temps de travail, le temps de loisir et le temps social sont respectés signifie  tracer certaines limites. Il est aujourd’hui nécessaire de protéger des équilibres économiques et sociaux que la mondialisation ultralibérale et le libre-échangisme poussé à l’extrême détruisent chaque jour un peu plus. Il est temps de créer des digues et de stabiliser le paysage économique européen, de clarifier les règles du jeu et souvent d’empêcher que, sous prétexte de concurrence, on accepte l’alignement de tous sur la précarité des plus pauvres. Tout en remettant en cause les dogmes de la concurrence pure et parfaite, la gauche devra défendre un protectionnisme intelligent et se battre pour créer des instruments permettant de protéger les structures économiques et la société des bourrasques de l’économie mondiale.  Aujourd’hui, nous consommons à des prix qui ne sont atteignables qu’au prix d’une exploitation sauvage des ressources naturelles et des hommes, et nous produisons pour des salaires reflétant nos préférences sociales et environnementales élevées. Un tel modèle est déséquilibré et insoutenable : ou bien nous nous appauvrirons lorsque l’impossibilité de s’endetter aura dissipé nos dernières illusions, ou bien nous nous protégeons pour protéger l’emploi et notre appareil productif, pour rendre possibles les transitions économiques et écologiques.

3° Un  nouveau cap pour l’Europe :
Le nouveau cycle politique qui s’ouvre pour la gauche lui impose de donner un nouveau cap pour l’Europe : espace de libre-échange absolu, où la concurrence fait rage entre systèmes fiscaux et sociaux, l’Union européenne ne peut continuer à se niveler par le bas. A la différence de la dernière décennie, la gauche est désormais au pouvoir et doit agir pour qu’émergent en Europe de nouveaux instruments de progrès au service des peuples. Des instruments de croissance d’abord : dans la crise que nous traversons, l’austérité budgétaire seule est une réponse inefficace qui, avec l’ampleur qu’elle prend en Europe mois après mois, ne peut conduire qu’à la récession. Le soutien aux dépenses d’infrastructure, la mise en place d’outils de financement de la transition écologique et le rachat d’une partie des dettes souveraines doit permettre, tout en redonnant du sens et du souffle à l’action politique de l’Union, de faire fléchir la crise et d’amorcer un retour à la prospérité et au progrès.
Actionner de tels leviers politiques suppose, de la part des socialistes Français, une volonté inflexible de porter un changement culturel dans l’Union : la défense aveugle, jusqu’à l’excès, de la concurrence et des règles d’airain qui enserrent les capacités d’intervention des Etats, ne peut plus tenir lieu de politique pour la Commission européenne, qui crée et inspire les lois de l’Europe. Les socialistes doivent plaider pour une politisation des décisions communes, doivent être des moteurs lorsque nos voisins veulent engager des actions nouvelles. Protéger notre économie, innover, faire de l’Europe un pôle de stabilité et d’équilibre social dans le monde, engager des mesures qui donnent du sens à l’union des peuples.




. Ces pistes sont posées là comme des balises qui peuvent jalonner le chemin que nous allons tracer ensemble à l’occasion de ce congrès socialiste et au-delà.



Signataires :
ALLIES Paul (SN-CN), BULTEL-HERMENT Monique (CN), MONTHUBERT Bertrand (SN),  LANTOINE Christophe (CNC), AKKARI Maya (75), ANAZEL Jean-Pierre (14), AUGE Jean-Michel (67), AYACHE Philippe (84), BATTIER Eric (38), BÉCUWE Cyril (80), BENOIT Jean-Jacques (33), BERTOLOTTI Hervé (83), BLANCHOT René (58), BOET Annick (13), BONNAYS Laurent (81), BOUNOUAR Farid (92), BROTHIER Sylvain (75), BULTEL Stéphane (12), CALVO Michel (34), CARÊME Damien (59), CARITEAU Gérard (21), CARITEAU Françoise (21), CONIL Maurice (83), COURTY Arthur (90), CRAMAILH Geoffroy (94), CUJIVES Didier (31), DESBATS Patricia (95), DESCHAMPS Joffrey (28), DRET Jean Jacques (94), DUDRAGNE Michael (75), DUPLAND Jean-François (95), EL BAZ Michèle (30), FOUCHER Alain (41), FRANQUES Eric (17), GANDOLFI Laura (69), GANDRIEAU Marie-Agnès (31), GHARNIT Sofian (45), GNASSOUNOU Dominique (95), GOURHAN Jean-Jacques (22), GOURLAIN Hervé (80), GUERIN Alexandre (51), GUIBERT Vincent (92), GUIS Jean-Pierre (75), LAURENT Patrice (64),  L'HERMITE Margot (75), LAVIALLE Christophe (45), LAZARUS Clément (75), LE BUHAN Didier (22), LE FOLL Christophe (14),  LE MASSON Cécile (16), LORCA Alexie (93), LOUSSOUARN Michel (29), LUCAS Bruno (46), MIALHE Bertrand (31), MOINE Michel (23), MOUNIER Sébastien (78), NAKACHE David (06), NATCHIMIE Mikael (28), OCCRE Thierry (62), PALACIN John (31), PEYROT Didier (77), RAYNAL Nicolas (75), SOFIAN Gharnit (45), SOREL Yoann (28), SOTHER Thierry (68), TUNC Alexandre (51), VALLOT Florence (42), YONIS Choukri (93).